Je connais des parents rusés qui, pour passer un message à leurs ados, feignent de ne pas accorder d’importance à ce qu’ils voudraient bien leur transmettre et passent plutôt par les parents de leurs amis pour être certains que l’idée va faire son chemin. Ça fonctionne assez bien. À l’instar des ados, je connais bien des adultes qui n’en peuvent plus d’entendre les conseils sanitaires du gouvernement et qui changent de chaîne chaque fois qu’une pub un peu paternaliste de la Santé publique apparaît à l’écran. C’est peut-être un peu dans la nature humaine de se blaser des discours moralisateurs et culpabilisants. On serait faits pour le bonheur, dixit Aristote, et pas si enclins à suivre les conseils si « bons pour nous » puissent-ils être. Et comme nul n’est vraiment prophète en son pays, il faut être de plus en plus rusé et habile en communication pour passer un message qui appelle un changement de comportement dans la population.
C’est normal. Nous ne sommes plus des enfants et nous n’attendons plus les permissions émanant de la chaire pour mener notre vie. Nous avons accès à toute l’information qu’il faut pour prendre des décisions éclairées par nous-mêmes et nous sommes d’ailleurs juridiquement responsables de nos actes. Mais alors, avons-nous encore besoin de prophètes?
Les prophètes sont si peu populaires parce qu’ils nous livrent des messages qui nous confortent rarement dans nos conceptions du monde, du bien et du mal. Qui aime aller voir son médecin? Qui lui admet tous ses excès de nourriture et ses périodes d’inactivités physiques? Le problème du bonheur et de la santé, c’est que les effets des bons gestes sont le plus souvent à long terme et qu’ils exigent presque toujours de sacrifier des petits plaisirs éphémères pour y avoir accès. Mais nous vivons dans un monde qui ne promeut pas beaucoup le long terme. Les prophètes sont plutôt agaçants, pour le dire poliment, et on aimerait bien les faire taire. Ils osent poser des questions quand tout le monde croit avoir déjà la réponse. Ils pointent dans des directions où l’on n’aime pas trop regarder. Mais une société sans prophète est une société condamnée à être prisonnière de ses petites sensations et de son confort et à ne jamais profiter de la joie d’affronter des vents contraires. Lc 4, 21-30
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